Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité

Posted by on mai 4, 2020 in Essai, Thèque | Commentaires fermés sur Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité

Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation antioppressive à la sexualité

Essai écrit par Gabrielle Richard
Les éditions du remue-ménage, 2019 (166 pages)
Présentation par la maison d’édition

Une découverte particulièrement inspirante ! Dans ce livre éclairant à destination des enseignant·es, Gabrielle Richard, sociologue du genre, fait la démonstration des manières dont l’école, au Québec comme en France, enfonce le clou de l’hétéronormativité (le fait que l’hétérosexualité soit construite comme la norme, fondée sur des stéréotypes de genre binaires) de la société dans laquelle elle s’inscrit : au travers des contenus d’une éducation à la sexualité pensée sur le modèle de la prévention des risques, mais aussi de la socialisation entre pairs qui s’y développe, des évidences et des comportement du personnel scolaire ou des contenus absents.


En l’absence d’études sur les effets de ce type d’éducation à la sexualité sur les élèves LGBTIQ, d’(ancien·nes) élèves cité·es dans le livre témoignent de leurs attentes déçues, de leur invisibilisation, de leur confusion, de leur sentiment d’être des monstres, d’être invalidé·es ou exposé·es au harcèlement. Car même une pédagogie de la « tolérance », parce qu’elle ne met pas en avant les rapports de pouvoir, les rejoue – y compris à son corps défendant –, en n’explicitant pas la norme, les privilèges et les discriminations qu’elle génère.


L’auteure souligne d’ailleurs la difficulté pour les enseignant·es qui souhaitent offrir un enseignement à la sexualité inclusif, émancipateur, non normatif et positif à sortir de cette approche en l’absence de soutien des autorités scolaires, de formation et de contenus conçus selon les principes de la pédagogie antioppressive, pourtant cohérentes avec les consignes officielles de lutte contre les discriminations.


Elle invite à suivre cette voie dont les effets bénéfiques sont avérés notamment en Suède. L’objectif des pédagogies critiques de la norme (également appelées pédagogies antioppressives ou ici pédagogie queer), peu connues en France, est de développer un regard critique sur les normes sociales, de rendre visibles les rapports de pouvoir, de suivre une pédagogie émancipatrice, de prendre en compte et de valoriser la diversité des expériences, de favoriser – ce qui est particulièrement sensible dans le cadre de l’éducation à la sexualité – des relations saines avec soi-même et avec les autres.


C’est l’objet du dernier chapitre, où Gabrielle Richard présente différents exercices ou interventions susceptibles de mettre en œuvre la pédagogie critique, comme le théâtre des opprimé·es, le procédé de l’inversion ou ou encore l’intervention par le témoignage. Des pistes concrètes à suivre autour de réflexions particulièrement riches et constructives dont on espère qu’elles se développeront dans les années à venir.

Sur les pédagogies critiques, voir aussi Paolo Freire, pédagogue des opprimé·e·s d’Irène Pereira et Apprendre à transgresser de bell hooks. On peut entendre Gabrielle Richard dans l’épisode du podcast Camille, consacré à l’hétéronormativité : À l’école, être hétéro ou ne pas être.

 

NB : J’ai publié précédemment cette présentation (adaptée ici) sur le site SVT Égalité.