Le chœur des femmes
Le chœur des femmes
Roman de Martin Winckler
P.O.L. 2009 (608 pages) et Gallimard (Folio) 2017 (671 pages)
Présentation de la maison d’édition (on y trouve les premières pages)
Interne briguant un poste de direction en chirurgie avec froideur et détermination, Jean Atwood se retrouve contre son gré pour un stage de six mois aux côtés d’un généraliste officiant dans une unité de gynécologie-obstétrique. Son ambition n’a d’égal que son mépris pour ces patientes dont les récits se perdent dans des détails inintéressants, qui s’épanchent un temps infini face à Franz Karma, dont la patience lui est incompréhensible, les leçons de morale pénibles, les propos lui semblent contraires au principe de confraternité entre médecins.
Si dans ce roman polyphonique, Martin Winckler donne la parole en premier lieu à Jean Atwood, la voix de ces femmes prend beaucoup de place, et rapidement, les remarques de Franz Karma viennent résonner avec les préoccupations personnelles de Jean Atwood. Alors les récits des patientes, d’abord brouhaha futile, se convertissent en une dénonciation du mépris sexiste ordinaire, des violences gynécologiques banalisées, du peu de cas qu’il est fait du ressenti, des besoins, de la parole des femmes. L’irritation fait place à l’indignation, les jugements à l’empathie, le mépris à la conscience.
Sans vouloir dévoiler les intrigues d’un roman aux rebondissements nombreux (le rendant à la fois passionnant et irritant sur la fin), la question de l’intersexuation, longtemps présente en filigrane, y tient une place importante. Les personnages peuvent paraître un peu caricaturaux, l’évolution de Jean Atwood peu crédible (encore qu’en termes de longueur de texte elle n’est pas si soudaine), et l’on peut soupirer devant le choix de faire de tous les modèles d’incarnation du respect des femmes… des hommes. Cependant les récits des femmes – issus de la pratique médicale de l’auteur –, comme sa priorité absolue pour le respect des patiente·es, font de ce roman une lecture émouvante et apaisante pour la reconnaissance de réalités si communément niées ou invisibilisées.
Martin Winckler invite son lectorat à la même initiation que son personnage principal : celle de l’empathie et de l’éthique, qui font la différence entre la posture de médecin et celle de soignant·e, susceptible de remettre en question les normes et les autorités au profit du bien-être et du respect des patient·es, de leur ressenti, de leurs choix. Une lecture captivante et hautement recommandable aux personnes attirées par ou exerçant une profession médicale.
Voir deux sites représentatifs des préoccupations éthiques de Martin Winckler : Winckler’s webzine et L’École des soignant·es.
NB : J’ai publié précédemment cette présentation sur le site SVT Égalité.