La communication non violente à l’usage de ceux qui veulent changer le monde

Posted by on septembre 10, 2020 in Essai, Thèque | 0 comments

La communication non violente à l’usage de ceux qui veulent changer le monde

Nathalie Achard
Hachette (Marabout), 2020 (186 pages)
Présentation de la maison d’édition

Voilà un livre que j’ai été ravie de trouver… et que j’ai mis un peu de temps à ouvrir, par peur de ne pas m’y retrouver (sans compter que le titre est écrit au masculin et que la citation utilise le terme « homme » pour « être humain ». En réalité, l’auteure s’exprime au travers d’un « je » universel féminin) : j’aimerais vivre beaucoup plus de communication non violente (CNV) dans les espaces dédiés au changement social et beaucoup plus de conscience sociale dans la communication non violente, et j’ai de la peine à trouver des références qui allient les deux.

Dans La communication non violente à l’usage de ceux qui veulent changer le monde, Nathalie Achard, impliquée de longue date dans des organismes militants, fait preuve d’une intégration visiblement solide de la CNV, dans des domaines où ses principes rencontrent des défis particulièrement déroutants.

Elle évoque les tensions bien connues des réseaux sociaux, des repas de famille, des rencontres entre ami·es, des débats, des discours où il est question de l’irresponsabilité des un·es ou de l’intransigeance des autres, où l’exigence de l’exemplarité pèse sur tou·tes.

On a tou·tes mille et un exemples de ces échanges où la déconnexion et l’affrontement prévalent, où nos besoins d’écoute, de reconnaissance, d’être pris·e en compte, d’appartenance, de sécurité, de partager une même vision du monde sont sérieusement mis à mal. Où notre confiance dans le fait de trouver des solutions qui prennent en compte les besoins de chacun·es, hein, de quoi, prendre en compte les besoins de chacun·e ? Ceux des PDG d’entreprises ultrapolluantes, des masculinistes, des transphobes, de celleux qui promeuvent des politiques racistes ou encore qui ne veulent rien savoir ? C’est une blague ?

Le grand défi de sociétés patriarcales, colonialistes, reposant sur la violence et l’exploitation, s’expose devant nous : que fait-on de notre propre violence envers les personnes qui nous font violence ? Si notre rêve est de prendre soin toutes les vies, comment l’incarne-t-on dans la concrétude d’un quotidien qui n’a pas son pareil pour mettre à mal nos généreuses intentions ?

Comme le signale le titre, l’intention de ce livre est de connecter les personnes souhaitant un changement social (vis-à-vis du sexisme, du racisme, du spécisme, de l’exploitation de l’environnement, etc.) à l’intention de la CNV et à l’espoir de changement social qu’elle offre : si chacun·e est convaincu·e de l’intérêt de l’autre pour ses propre besoins, il est beaucoup plus facile alors d’écouter les besoins de l’autre. Si l’on peut (si l’on veut!) s’y relier, il est beaucoup plus facile de trouver des solutions créatives qui prennent soin de tou·tes.

On peut y croire à condition de bien distinguer ce que la CNV entend par besoins (abstraits et universels) et stratégies (les 10 000 manières de nourrir un besoin, sur lesquelles on est susceptibles de s’affronter). Cette confiance se maintient du fait d’en faire et d’en refaire l’expérience.

Que veut-on vivre ? Comment peut-on se montrer fidèle à ses valeurs sans y perdre notre santé mentale et physique ? Que fait-on de la honte, de la critique, de la culpabilité ? L’efficacité passe-t-elle forcément par la violence ? Comment ressentir une forme de tranquillité et de connexion avec des personnes avec lesquelles on n’est pas d’accord ? Quelles étapes fondent un changement durable ?

On peut lire et relire ce livre plein de pistes éclairées tout en se formant et en pratiquant la communication non violente, dont les principes sont aussi simples que sa pratique peut paraître impossible, en particulier quand il s’agit d’intégrer la perspective sociale. Cette pratique est en mesure de nous donner de la clarté sur le fait que la CNV nous convienne ou pas ! Est-ce qu’elle nous rend la vie plus belle ? Est-ce qu’elle nous rapproche de notre rêve ?

 

Extrait (p. 146)

« Si je mets mes oreilles de girafe [symbole de notre capacité à observer sans juger, à identifier les sentiments et les besoins derrière les actes et les paroles], je me rappelle que tout ce qui est qualifié de « critique », de « reproche » ou « agression » est en fait l’expression d’un besoin non satisfait. Je sais aussi que ce chacal [symbole de notre conditionnement, de notre tendance à étiqueter, à juger, à voir les choses de manière binaire] a quelque chose de très important à me dire et qu’il a besoin de mes oreilles et de mon cœur de girafe pour décrypter et comprendre son besoin affamé. Dès lors, je n’entends plus ni reproche, ni critique, ni agression. J’entends un appel au secours. »