“Gros” n’est pas un gros mot

Posted by on septembre 4, 2019 in Essai | 0 comments

« Gros » n’est pas un gros mot. Chroniques d’une discrimination ordinaire

Essai de Daria Marx et Eva Perez-Bello
Flammarion, coll. « Librio », 2018 (121 pages)
Présentation de la maison d’édition
L
e collectif Gras politique 

Comment s’exprime la grossophobie (« ensemble des attitudes hostiles et discriminantes à l’égard des personnes en surpoids ») au quotidien dans la société actuelle ? Quels effets produit-elle ? C’est que ce qu’exposent de manière très concrète Daria Marx et Eva Perez-Bello, membres du collectif Gras politique, auteures de ce petit livre efficace aux courts chapitres thématiques.
Elles montrent de quelle manière la grossophobie entrave l’accès des personne grosses au travail, à la contraception, à la PMA, à certains examens médicaux, aux espaces où l’hostilité et les commentaires sont particulièrement présents et pénibles (piscine, restaurants de fast-food…), aux transports en commun, aux vêtements… Elle entraîne des retards de diagnostic (notamment concernent les troubles du comportement alimentaires, les troubles psychiatriques, le cancer, l’endocardite), des suicides (notamment dans le cadre du harcèlement scolaire et sans doute en cas de chirurgies bariatriques – visant à restreindre le volume de nourriture ingérée – considérées comme des échecs).
Au travers d’anecdotes et de témoignages, et chiffres à l’appui, elles invitent à prendre conscience de l’enfer que la grossophobie fait vivre à environ 1 personne sur 6 (12 millions de Français·es sont concerné·es).
Alors que la « responsabilité » de l’obésité incombe dans l’imaginaire collectif aux personnes obèses, auxquelles on prête un manque de volonté, les auteures pointent la pauvreté, facteur souvent oublié, la génétique, et… la grossophobie. Car la pression autour de la nourriture, le dénigrement, l’humiliation, les normes écrasantes de minceur, l’infantilisation, l’hostilité, le harcèlement scolaire, les discriminations sont le terreau de la mauvaise estime de soi, de difficultés financières et sociales, et de troubles du comportement alimentaire. Quant aux régimes restrictifs préconisés, ils sont connus pour dérégler le fonctionnement du corps et entraîner, après la perte de poids, une prise en poids supérieure.
Les auteures insistent sur la nécessité d’une approche globale de l’obésité : prendre en compte le budget dévolu à nourriture, les habitudes alimentaires familiales, les activités sportives possibles, le mal-être et les éventuels traumatismes portés par un membre de la famille, sortir du cercle vicieux de régimes et de prise de poids en évitant les restrictions et la diabolisation d’aliments, en écoutant ses sensations corporelles, pour éviter les troubles du comportement alimentaire. Elles engagent les parents à rechercher un personnel soignant bienveillant.
Ce livre ouvre les yeux sur une discrimination largement sous-estimée par les personnes non concernées, aux conséquences dramatiques en termes de respect des droits humains. Le lectorat est invité à juste titre à identifier sa propre grossophobie, et chacun·e à devenir un·e bon·ne allié·e. Que les auteures soient remerciées ici de nous y aider.

On peut consulter en ligne la table des matières et l’avant-propos. Daria Marx a été interviewée dans l’émission intimiste de Lauren Bastide La Poudre. Vous pouvez également l’entendre dans l’excellent Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé consacré à la grossophobie, « Le gras est politique ».

NB : J’ai publié précédemment cette présentation sur le site SVT Égalité.