La différence invisible

Posted by on septembre 9, 2019 in BD | 0 comments

La différence invisible

BD de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez
Delcourt, 2016 (199 pages)
Présentation de la maison d’édition

Marguerite est sensible au bruit, au contact de certains tissus, aux odeurs. Elle est terrifiée par le changement, ses déplacements sont les mêmes chaque jour, quand elle va au travail elle suit un rituel immuable. Elle est déstabilisée par les interactions avec les autres, elle a du mal à comprendre certaines de leurs expressions, à saisir certaines formes d’humour. L’agitation et le bruit des soirées l’angoissent, elle est toujours la première à partir. Elle se passionne pour l’antispécisme. Elle ne peut pas mentir.
C’est déjà difficile pour elle de s’adapter en permanence au monde dans lequel elle vit. C’est encore plus pesant qu’on commente son comportement dans son dos ou qu’on lui reproche sans cesse de ne pas faire assez d’« efforts », au travail, dans ses relations amoureuses, amicales…
Cette pression sociale lui pèse beaucoup, jusqu’au jour où elle fait des recherches et se reconnaît dans la liste des caractéristiques associées à ce qui est appelé syndrome d’Asperger. C’est une libération.
La différence invisible est le fruit de la collaboration entre Mademoiselle Caroline, auteure des illustrations, et Julie Dachez, auteure du blog emoiemoietmoi.over-blog.com et autiste Asperger, où elle partage des vidéos pour sensibiliser à la réalité de cette condition.
Loin des clichés du modèle caritatif ou médical sur les personnes « handicapées » inspirant tantôt la pitié tantôt l’admiration, qu’il faudrait aider, soigner, rendre le plus « normales » possible, cette bande dessinée a le grand mérite de mettre au centre, et de manière impactante, le vécu d’une personne concernée par l’autisme et son émancipation des normes qui l’entravent. Elle met l’accent sur l’injonction à une forme de « normalité » qui n’est autre que l’expression du validisme : une forme de discrimination qui s’exprime ici dans la non-reconnaissance des spécificités des personnes neuroatypiques et le refus de les prendre en compte pour respecter leurs droits (on le voit notamment au travail). Ce point de vue relève du modèle social du handicap : le handicap ne vient pas ou pas seulement de la condition elle-même, mais de l’organisation de la société, de ses normes, de ses représentations, de ses jugements.
La BD se termine par un petit guide explicatif de ce qu’est l’autisme et sur ce que vivent les autistes dit·es Asperger. Elle est à recommander pour comprendre à la fois ce qu’est l’autisme, ce qu’est le validisme et quels effets il produit. Elle rappelle que les femmes sont sous-diagnostiquées du fait de la socialisation genrée qui les amène à faire preuve de suradaptation.

Julie Dachez, alias Super Pépette, répond ici en vidéo à la question : « Est-ce qu’on ne serait pas tous un peu autistes ? ».

NB : J’ai publié précédemment cette présentation sur le site SVT Égalité.