L’origine du monde

Posted by on septembre 2, 2019 in BD | 0 comments

L’origine du monde

BD de Liv Strömquist, traduction de Kirsi Kinnunen avec la collaboration d’Anne Cavarroc
Rackham, 2016 (144 pages ; non paginé)
Présentation de la maison d’édition

On reconnaît entre mille le style des bandes-dessinées de la Suédoise Liv Strömquist, maîtresse dans l’art de la vulgarisation en images : prévalence du noir et blanc, reproduction de gravures, photos et sculptures, typo occupant toute une case, voire une page… Dans L’origine du monde, la violence et l’évolution des pratiques et des discours sur la vulve, le clitoris, les règles, l’orgasme lié au clitoris, illustrent l’histoire de la perception du sexe dit féminin depuis l’avènement des religions patriarcales.
L’auteure montre qu’il n’en a pas toujours été ainsi, que la vulve, les règles n’ont pas toujours été objets de dégoût, de honte, mais qu’elles ont au contraire été vénérées comme des manifestations sacrées d’un lien avec le cosmos et les forces de la vie.
Ces variations au cours de l’histoire de l’humanité nous montrent le caractère relatif des certitudes qui organisent une société à un moment donné. Les discours évoluent et s’adaptent en fonction des connaissances scientifiques mais aussi des priorités sociales : le discours sur la différence entre les sexes a été précédé d’un discours sur leur similitude, l’irrépressible désir sexuel des hommes a succédé à l’irrépressible désir sexuel des femmes, le handicap associé au syndrome prémenstruel est à géométrie variable.
Au travers d’une savoureuse palette de personnages – médecins, philosophes, sexologues, psychanalyses, théologiens, instigateurs de la chasse aux « sorcières » – aux propos aussi absurdes qu’haineux, L’origine du monde nous apprend (point notable : Liv Strömquist cite ses sources, souvent universitaires) en particulier jusqu’où allaient la haine de certains hommes influents pour le clitoris et leur obsession de la binarité (notamment au travers des mutilations infligées aux personnes intersexes).
On mesure à quel point la domination masculine a inculqué pendant des siècles la haine, la honte et la peur de leur corps aux personnes qu’on a catégorisées comme « femmes », les dépossédant par là même, entre autres choses, de leur sexualité.
Drôle dans sa narration d’une réalité déprimante, L’origine du monde a l’art réconfortant d’ouvrir la porte à d’autres possibles, libérateurs.

NB : J’ai publié précédemment cette présentation sur le site SVT Égalité.